David et Alexandre en quelques mots…
David et Alexandre Giovannini, Fribourgeois nés respectivement en 1989 et 1985 à Fribourg, sont des passionnés de voile aux valeurs écologiques et durables qui leur ont inspiré de créer Rondechute, une marque de sacs et accessoires fabriqués à partir de matériaux de voile récupérés. Fils du skipper broyard Jean-Paul Baechler, c’est très jeune que David et Alexandre sont tombés dans la marmite d’eau douce puis salée. Première traversée de l’Atlantique à deux et cinq ans, même si David ne s’en rappelle pas, le souvenir est clairement ancré dans l’inconscient. Puis une autre expérience mémorable lorsqu’ils ont convoyé un bateau de Grèce jusqu’en France à l’âge de quatorze et dix-huit ans. Avec un père qui dédia également beaucoup de son temps à la formation de jeunes skippers, avec une confiance en eux leur développant un sens affûté de la responsabilité, c’est très vite que les deux frères se sont formés à la navigation et se sont retrouvés à faire des courses ensemble. Un esprit marin qu’Alexandre développera davantage durant sa vingtaine en se formant au Centre d’Entrainement à la Régate à Genève, ce qui l’amènera notamment à entraîner à son tour une nouvelle génération de skippers.
En 2008, leur père disparaît en pleine mer, par un coup de vent fatal de l’Atlantique, le long des côtes portugaises. Un drame qui n’aura su que renforcer cette passion de la voile: “À ce moment-là, on savait ce qu’on voulait faire”, se souvient David qui à l’époque était encore collégien. Ce dernier entreprendra des études en biologie et obtiendra son Bachelor à l’Université de Fribourg, tandis que son frère aîné décrochera un Master en développement durable à l’Université de Bâle. Mais cet épisode de leur vie, c’est surtout la certitude de vouloir réaliser un tour du monde en voile, avec le Bonavalette de leur père.
De la voile en pleine mer à la voile en plein sac
Ce tour du monde, ils l’ont entrepris avec leur ami Michaël Kilchoer entre avril 2014 et décembre 2017. Cuba, Brésil, côtes pacifiques, mais aussi et peut-être surtout le passage du Nord-Ouest dans le Grand-Nord canadien, qu’ils ont réussi à traverser avec brio, une vraie prouesse. Un tour du monde qu’ils ont documenté et dont ils ont partagé les récits. Mais pour arriver là, il fallait redonner toute une jeunesse à leur voilier, et le préparer à de tels défis nautiques. C’est donc après plusieurs années de préparation et de retapage, que le Bonavalette a pu prendre le grand large. Pour financer tout ceci, il a aussi fallu trimer à coup de petits jobs, et faire appel à quelques coups de main. Devinez alors, ce qui s’est parallèlement produit depuis 2008…
Et oui, Rondechute, a commencé durant cette même période du collège. Forts de leurs convictions écologiques respectives, et assoiffés de créativité et de travail manuel que leurs études tendaient à assécher, David et Alexandre font un jour le constat du gaspillage des voiles qui pouvait se faire. C’est là qu’ils se disent, qu’en récupérant ces précieux matériaux bruts, qu’ils pourraient pourquoi pas en faire un sac pour eux. Après plusieurs essais et heures d’apprentissage à la couture, ils parviennent à réaliser leurs premiers modèles, qui ne laissent pas leurs amis proches indifférents. Dans un souci de persévérer et de continuellement améliorer leurs productions, ils commencent à offrir d’autres modèles à leurs amis. Entre temps, Alexandre a eu l’occasion de faire un stage en voilerie en Australie, ce qui lui a permis d’apprendre à poser des fermetures éclair, compétence fort pratique pour la suite. Et de “fil en aiguille” (désolé Alex, mais c’est trop tentant), Rondechute se crée. En 2010, Rondechute est inscrite au registre du commerce, le logo est créé, et Pauline, leur première “employée fixe” est engagée.
Liberté du grand large et valeurs durables
La voile, c’est une passion pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est l’aspect technique, la mécanique de l’engin nautique, la course. Un moyen de transport sans routes tracées, une liberté quasi totale seulement restreinte par les saisons. « Tant qu’il y a de l’eau, tu vas partout ». Mais c’est aussi des rencontres dans d’autres cultures. Alexandre se souvient de celle d’un marin rencontré au Trinidad, naviguant les flots depuis plus de cinquante ans. Des rencontres de voyageurs, mais surtout de gens locaux qui détiennent l’authentique âme des lieux visités.
Car c’est bien le principe du local qui les intéresse, et sur leur terre ferme fribourgeoise, ça tombe bien, c’est l’un des deux principes fondamentaux de Rondechute. Couplé à leurs valeurs écologiques, le deuxième de ces principes est bien entendu l’utilisation quasi exclusive de matériaux recyclés. Car toute la philosophie de la désormais entreprise, se base sur le développement durable. Et les deux frères sont bien conscients des défis que peut représenter une telle volonté. Conserver l’esprit familial, pouvoir garder la main dedans plutôt que s’éloigner avec un rôle managérial, garantir des bonnes conditions de travail, et conserver à tout prix ces deux principes durables pour un véritable, si ce n’est unique dans ce type de produit, label « made in Switzerland », quel défi face à une économie encore bien capitaliste où la délocalisation reste la clé de la réussite financière! « Autant arrêter dans ce cas ». Et c’est aussi dans une volonté de sauvegarder ces métiers souvent en danger d’extinction dans la région, comme celui sellier, voire même de couturier. Noémie, leur autre couturière à mi-temps depuis quelques mois en est témoin, elle qui s’estime chanceuse de pouvoir vivre de son métier.
Aujourd’hui, le désir de faire de Rondechute une entreprise rentable est bien là. En 2015, ils intègrent Christoph à leur équipe. Économiste de formation, et surtout appelé à rejoindre l’équipe lorsque les deux frères naviguaient les eaux du monde, c’est un nouvel élan pour la petite entreprise qui produit désormais six à sept sacs par jour depuis leur atelier de la Fonderie. Une activité qui reste un « à côté » pour les trois associés, et qui réussit à s’inscrire dans une économie de plus en plus à l’écoute du retour au local et au durable. Les habitudes des consommateurs ne changent pas du jour au lendemain, mais c’est grâce à ces acteurs-là, que les choses bougent dans cette direction.
Fribourgeois car…
Malgré la consonance italienne de leur nom, leurs racines sont fribourgeoises depuis plusieurs générations, et leur identité y est donc bien ancrée. Pour ceux qui en auront vu, d’autres endroits, littéralement du monde entier, dont notamment des villes plus grandes, c’est pourtant à Fribourg qu’ils comptent bien faire leur vie. Fiers de tout ce que la ville a à offrir sur divers plans, à commencer par le plan culturel, par rapport à sa petite taille, c’est ici que les deux frères pensent pouvoir réussir à faire perdurer leurs valeurs communautaires et durables. Et au même titre qu’ils ont rencontré des locaux du monde entier, aux histoires authentiques, ils sentent bien que c’est à leur tour d’être ces personnes actrices de la ville, pour d’une part leur propre communauté proche, mais pourquoi pas aussi pour les voyageurs à venir, à la recherche de “Fribourgeois de souche”. Et de par leur approche d’économie locale et éthique, Fribourg reste le lieu où leur entreprise réussit le mieux, grâce justement, à la communauté qu’ils ont réussi à développer. Bon vent à vous, messieurs, au “sens maritime” de l’expression bien entendu!